Dis Pourquoi ? Les Grandes Questions Des Petits Enfants par Christiane Rochefort
Les petits enfants du siècle
par Christiane Rochefort
Ici c’est une toute petite voix, non autorisée, qui ânonne. L’enfant qui promène au milieu de grands blocs de H.L.M. de la banlieue parisienne un chapelet de frères et soeurs et une angoisse indéfinie ne saurait formuler une seule de ces questions-là ; elle subit, elle ne sait pas qu’elle subit, et encore moins quoi ; elle ne manque de rien – de rien de matériel -, et, sans misère, elle ne sait pas pourquoi elle se sent misérable ; elle ne sait même pas qu’on l’étouffe, justement parce qu’on l’étouffe. Simplement elle chante sa petite chanson, dans son langage pauvre, jusqu’au jour où le ” bonheur ” lui sera administré, comme un tampon de chloroforme.
Alors la chanson s’arrêtera.
L’Evangile selon saint Marc
par Etienne Trocmé
Petits bonheurs, bras de fer et vitamines
par Pierre Beauve
« Et voilà qu’un beau jour, je fus grand-père. Alors à intervalles plus ou moins rapprochés, je vis débouler mes petits-enfants dans mon jardin, le jardin de Babou, ainsi qu’ils prirent l’habitude de l’appeler. Ses petits-enfants, on les aime deux fois, dit-on. Une fois quand ils arrivent et une fois quand ils repartent. Et en effet, je les ai quelquefois aimés davantage à leur départ qu’à leur arrivée. Cependant, dans mon jardin, ils m’ont souvent ramené là où les choses se regardent moins avec les yeux qu’avec le cœur. Car rien ne vaut les enfants pour vous obliger à négocier des virages qu’on n’avait nulle envie d’aborder… »
Après avoir évoqué son enfance dans un livre précédent, Pierre Beauve prend aujourd’hui sa vie par l’autre bout.
Sous l’œil étonné, amusé, parfois malicieux mais jamais complaisant du grand-père, ses petits-enfants sont les héros d’anecdotes tendres, intimistes et pleines d’humour. À la clé, quelques solides bras de fer dont il ne sortira pas toujours vainqueur…
Des mémoires qui relatent avec humour les relations familiales entre grands-parents et petits-enfants
EXTRAIT
Je pouvais être fier de mon travail : ma grande pelouse était un véritable terrain de golf. Plus un pissenlit, plus la moindre pâquerette, plus une graminée pour regarder les autres de haut. Il ne me restait qu’à remiser ma tondeuse et à attendre les compliments flatteurs de mon entourage, du laitier entre autres. En ce temps-là, le laitier déposait encore ses bouteilles sur le pas des portes.
“La plus belle pelouse de toute la région”, m’avait-il dit lors de son dernier passage.
Il est vrai que les pelouses, il avait tout le loisir de les observer, lui dont le poids des tournées s’allégeait de semaine en semaine depuis l’ouverture d’un hypermarché dans le coin.